Je traverse ce pont qui domine l’intense chantier de l’Ile Seguin à Boulogne-Billancourt, l’oeil attiré par le ballet des grues, l’oreille assourdie par les voitures qui se croisent. Il y a cette balise rouge, le pied dans l’eau de la Seine. Là s’est posé le cormoran. Immobile.
Il y a des jours où l’on se dit que l’on n’aura jamais le temps de tout faire . Alors on empile, on ajoute, on accélère, on ajoute des lignes à la liste déjà longue de tout ce qui déborde, on ne mange pas, on n’a pas le temps, on cale des rendez-vous entre les rendez-vous, comme ça entre deux, pour tenir les délais, rester dans la course. Parce qu’on n’a pas le choix. Dans le vortex, les instruments de navigation s’emballent, cerveau en ébullition, coeur compressé, les tensions montent, au dehors et en dedans.
Et parfois, alors que le vortex tient parfaitement son rôle de vortex, nous choisissons la voie du cormoran. Nous nous posons un instant, à distance de l’agitation, nous prenons le temps d’une vue globale, d’une respiration. Et riches de cette pause, nous voici prêts à activer la « machine à faire des choix éclairés ».
Alors ouvrons les yeux en grand pour trouver cette balise rouge sur laquelle se poser et rejoindre le cormoran.